mercredi 10 septembre 2008

Dans chaque habitation marocaine, il y a une pièce interdite: le salon.

Dans toute habitation, le salon est la pièce principale. Il doit être spacieux, occupant parfois plus de la moitié de la superficie bâtie. Il doit être très éclairé avec une vue sur la façade et, parfois, sans vis-à-vis, avec un dôme et des arcades. Ses murs sont souvent couverts de zellige et de plâtre ciselé «beldi»…
Toute une fortune !

Pour l’ameublement, les «sdaders» (banquettes), avec accoudoirs, sont indispensables. Il faut se faire fabriquer une «dara» en acajou ou en hêtre sculpté avec des moucharabiehs ou des motifs incrustés d’oranger parfois même de nacre voire d’ivoire et d’argent. Cet ensemble ne va pas sans une paire de tables octogonales identiques et une douzaine de tables cendriers, le tout au motif assorti ; sans oublier les poufs et les tables de coin qui doivent répondre aux mêmes exigences.
De quoi perdre la tête et c’est toute une fortune !

Il faut à présent songer aux matelas. En mousse dites-vous ? Vous rigolez ? Des matelas arrondis garnis de laine vierge, « ta3mera fassia » ? Non plus, c’est démodé ; il faut des matelas à ressorts confectionnés sur mesure par une firme de renommée ! Et ce n’est pas fini ; il faut des «tlamets» (couvre-matelas/housses) d’un tissu raffiné de couleurs froides avec des motifs à la mode. On s’entend avec le matelassier sur le style des tresses et franges qui entoureront les coussins dos et les coussins accoudoirs confectionnés avec un tissu s’apparentant à la couleur des «tlamets» mais avec des motifs différents.
De quoi perdre la tête et c’est toute une fortune !

Il faut aussi, pour les fenêtres, des rideaux satinés, des doubles rideaux brodés s’accommodant parfaitement avec «lfrach». Il faut des lustres en cristal avec les appliques appropriées. Il faut encore un épais tapis rabati ou une superbe «torkya», riche moquette turque ou persane. Il faut aussi des nappes raffinées, des napperons assortis, des tableaux et objets décoratifs... Le choix de ces articles n’est pas aisé et il faut parfois faire des commandes.
C’est toute une galère et ça coûte une fortune !

Le salon est fin prêt, à présent, on l’embaume d’encens. La maîtresse de maison fière de ce chef-d’œuvre et satisfaite d’avoir fait obéir le père à toutes ses exigences, annonce la foudroyante nouvelle :
-«Personne n’entre dans cette pièce ; c’est le salon des hôtes .»
Toute la petite famille est assujettie à cette loi qui semble se perpétuer de mère en fille.
Le père, étant lui-même contraint à se conformer aux ordres des instances supérieures, se rend compte qu’il vient de dépenser toute une fortune pour bâtir et meubler une résidence étrangère au milieu de sa maison.
Ainsi, le salon est un domaine interdit à ses propriétaires, un territoire inviolable dont la visite demande un visa accordé une ou deux fois par an (et si hôtes il y a .)

Bonsoir.

5 Commentaire(s)-Ajoutez 1 commentaire ICI :

Anonyme a dit…

Réalité minutieusement décrite.
Tout cela pour pouvoir se vanter devant « les invités ». Mentalité à changer.

Anonyme a dit…

SA7I7. SSALOUNE FI DARI OUMOUCH DIALI.

Anonyme a dit…

l'invité est membre de la famille

Un style de conteur...mieux que Sefrioui proche de Chraibi ("la civilisation ma mère"), claire comme celui d'un Tahar Benjelloun.
Tout ceci pour conclure que l'invité est une obsession inhérente à toute civilisation ...c'est le Paraître pour communiquer avec l'Etre.
mostafa

Anonyme a dit…

Louer une maison d'hôtes pour ses invités reviendrait moins cher. Alors plus de salon ; on gagnera du terrain et on aura plus chambres et des pièces plus spacieuses.

Anonyme a dit…

1-
C'est mon salon !
La femme en a décidé ainsi ! L'homme n'a qu'à se plier à ses désirs !
Parfois, je la comprends...

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2-
"(....)Il s’était rappelé que ses parents lui interdisaient de pénétrer dans le salon, nettement plus petit, avant d’ôter ses chaussures. Sa mère leur disait, à lui et à ses deux sœurs, que cette pièce, centrale sans être au centre, était presque sacrée puisqu’elle est destinée, outre les réceptions, aux prières, aux célébrations des veillées coraniques, aux fiançailles et à la conclusion de contrat de mariage(...)"
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